La réflexivité par la collaboration documentalistes/enseignants


Compte-rendu de l'atelier animé par l'Association Dedaledocsanté au cours de la
Journée de partage d'expériences 'Réflexivité et formation'
(FINE, Fédération Européenne des Enseignants en Soins Infirmiers, Namur-Belgique, 24 mars 2011)

 
Plan
  1. Les missions du documentaliste dans l'enseignement supérieur paramédical
      1.a Gestion de la documentation
      1.b L'administration de la bibliothèque
      1.c La formation à la recherche documentaire
  2. La pratique réflexive dans la formation infirmière et le rôle du documentaliste
  3. Quelle synergie documentaliste-enseignant ?
  4. Nos souhaits pour l'avenir
  5. Notes, références et annexes
 

Le travail du documentaliste (1) n'est souvent reconnu que lorsque son nom apparaît dans la grille des cours. Les professeurs de méthodologie font en effet régulièrement appel à son service pour expliquer aux étudiants les étapes et outils de recherche dans la littérature professionnelle et scientifique.

En mettant en lumière son rôle de formateur, on aurait tendance à oublier les fondements de son activité : la gestion des collections et l'accueil du public. Or, ces missions de base au quotidien recèlent de nombreux aspects pédagogiques cachés et nourrissent ses interventions de formateur.

Dans un premier temps, nous décrirons les trois catégories d'activités qui composent le profil de fonction du documentaliste dans les écoles d'infirmières et paramédicales (2) en général. Nous soulignerons l'importance de respecter une juste proportion entre les activités fondamentales "dans l'ombre" et les tâches liées à l'initiation à la recherche documentaire, très valorisées actuellement.

Ensuite, nous verrons à l'aide d'exemples, comment le documentaliste peut encourager la réflexivité des étudiants, même au travers d'une activité en apparence banale comme l'accueil et l'orientation des usagers en bibliothèque. Nous verrons comment les enseignants qui font appel au documentaliste dans le cadre de leurs cours, se représentent cette collaboration de manière parfois très différente. Enfin, nous conclurons en formulant des souhaits pour l'avenir.


1/ Les missions du documentaliste dans l'enseignement supérieur paramédical

Nous avons choisi de présenter les tâches du documentaliste selon trois missions représentées dans chaque étage d'une pyramide. Après avoir décrit les particularités de ces activités dans nos écoles, nous préciserons pour chaque catégorie, quelle est la valeur ajoutée de la participation à l'association Dedale dans notre travail quotidien.

gestion_documentation administration bibliotheque formation

Cliquez sur les étages de la pyramide pour en savoir plus sur chaque catégorie d'activités


1.a/ Gestion de la documentation :

C'est le socle de notre métier. Le terme de documentaliste reflète sans doute mieux notre fonction que celui de bibliothécaire. Nous offrons, en effet, des services souvent plus proches des centres de documentation spécialisés que des bibliothèques encyclopédiques (publiques ou universitaires).

Après avoir sélectionné les sources les plus pertinentes, cette part du travail vise à ce que les étudiants puissent accéder à l'information contenue dans les documents acquis par la bibliothèque, en consultant son catalogue ou moteur de recherche. Pour le documentaliste, il s'agit donc d'examiner l'intérêt de chaque source en s'interrogeant systématiquement : à quelle question de notre public ce document va-t-il apporter une réponse ?
Le travail d'analyse documentaire se traduit concrètement par l'attribution de mots clés et d'abstracts qui représentent les propos des auteurs.

Dans les filières paramédicales, la littérature professionnelle et scientifique publiée sous forme d'articles de périodiques, particulièrement francophone, est peu couverte par les bases de données bibliographiques internationales. Une des missions du documentaliste consiste donc à valoriser les abonnements de périodiques de son institution, en dépouillant systématiquement le contenu des fascicules et en indexant les articles.
Ce travail d'indexation requiert une grande connaissance tant du public (les centres d'intérêt des étudiants et la manière dont ils formulent leurs questions) que du vocabulaire professionnel spécialisé (travail sur la terminologie).

Pour avoir une vue globale du traitement de l'information par le documentaliste, affichez le schéma décrivant les étapes de la chaine documentaire avant mise à disposition des documents au public.

 

Les réalisations de Dedale dans ce domaine

  • politique d'acquisition : échange trimestriel des listes d'acquisition (parutions les plus pertinentes pour les étudiant) et diffusion de la littérature grise
  • catalogue collectif des titres de périodiques : pour localiser un abonnement dans une bibliothèque membre.
    http://www.dedaledocsante.be/periodiques/index_ti.htm
  • ressources électroniques en ligne : création d'un répertoire de site validés (domaine de la santé et des soins), sous forme d'une sitothèque https://groups.diigo.com/group/dedale
  • système intégré de gestion de bibliothèque (SIGB) : échange d'expérience entre utilisateurs du logiciel de gestion de bibliothèques PMB
  • terminologie : élaboration d'un lexique de mots clés (thésaurus Dedale) et réflexion autour de l'application du thésaurus MeSH au domaine des soins infirmiers.
  • analyse documentaire: projet de mutualiser l'effort de dépouillement des périodiques par l'échange des notices (dépouillement partagé)

1.b/ L'administration de la bibliothèque

C'est le travail de première ligne. Il se compose de toutes les activités de service au public, réalisées au comptoir d'accueil : orientation des usagers, transactions de prêt des documents (emprunts, retours, réservations, rappels,…), gestion du matériel,etc… Pour avoir une vue globale de l'étendue de ce type de fonction, affichez le schéma des activités administratives.

Les fonctions d'accueil au public entrent souvent en conflit avec les activités de gestion de la documentation décrites au chapitre précédent, comme l'explique Jacques Chaumier (3) :

  Le travail du documentaliste peut être qualifié de "travail en miettes", pour reprendre une expression célèbre. En effet, c'est une fonction qui, comme l'a montré l'analyse des opérations documentaires, demande un important travail de préparation avant la mise à disposition de l'information.
Par ailleurs, c'est une fonction de "service" . Le documentaliste est au service des utilisateurs et doit donc toujours, en priorité, être disponible pour les utilisateurs. Son travail foncier de traitement documentaire sera donc toujours hâché par son travail de communicateur. "
 

Ces propos expriment bien la tension que vit le documentaliste chaque jour entre la disponibilité que requiert sa mission d'accueil et d'orientation (parfois à raison de 35 heures par semaine) et son travail 'en coulisse' pour constituer, mettre à jour et valoriser le fonds documentaire. C'est une faiblesse car il est continuellement interrompu dans ses tâches documentaires. Il n'éprouve pas souvent le sentiment d'un travail abouti en fin de journée.

Mais cette souplesse est aussi sa force. Contrairement aux bibliothèques universitaires, dans nos écoles, c'est la même personne qui entend les questions des étudiants et gère les collections. Cette proximité avec l'usager est une source d'information précieuse. Il est bien informé des préoccupations des étudiants et de la manière dont ceux-ci formulent leurs questions. Ce bagage d'expériences va nourrir sa pratique (politique d'acquisition, lexique de mots clés,…).

Les réalisations de Dedale dans ce domaine

  • Echanges d'expériences sur l'organisation pratique des bibliothèques membres, au cours des réunions trimestrielles.

1.c/ La formation à la recherche documentaire

Dans le cadre de leur métier, les futurs infirmiers et sages-femmes seront souvent amenés à mettre à jour leurs connaissances. L'intervention du documentaliste dans le cadre de leur formation vise à donner à ces étudiants des pistes pour accéder à la littérature professionnelle et scientifique, sans se contenter des incontournables Google, Wikipédia, etc.

Ces 'séminaires bibliothèque', souvent enrichis d'exercices pratiques, couvrent les points suivants :

  • alphabétisation documentaire : qu'est-ce qu'un fascicule de périodique, une monographie, un ouvrage collectif, un document secondaire, la littérature grise, etc., bref, la typologie de la documentation.
  • les étapes de la recherche documentaire
  • les particularités de chacun des outils de recherche dans la littérature : un catalogue de bibliothèque, un catalogue de centre de documentation, une base de données analytique, une plateforme de périodiques électronique, un moteur de recherche spécialisé,…
  • les stratégies d'interrogation de ces outils
  • l'évaluation de la fiabilité des sources
  • la rédaction de la bibliographie et la citation des sources dans un texte

Mais la contribution du documentaliste à l'enseignement ne se limite pas à ces séquences pédagogiques. Elle peut prendre, par exemple, la forme de guidances individuelles au comptoir de prêt. Pour avoir une vue globale de l'étendue de ce type de fonction, affichez le schéma des activités du documentaliste en rapport avec la pédagogie.

La partie 'formation' peut être représentée comme la partie émergée et visible de l'iceberg. C'est la seule activité pour laquelle les enseignants ont de la considération. En le voyant "feuilleter des revues", les usagers de la bibliothèque ne soupçonnent pas souvent le nombre d'opération à effectuer avant de mettre l'information à disposition du public.
Idéalement, la fonction de formation ne devrait pas occuper plus d'un tiers de l'horaire de travail, afin de ne pas déforcer le soubassement de la pyramide.



En effet, sans gestion d'un fonds documentaire local, nous serions privés du terreau indispensable dans lequel nous puisons la matière de notre enseignement. La formation est aussi le résultat d'un savoir-faire acquis dans l'ombre du traitement des collections locales, au jour le jour.
Or, nous constatons, dans la plupart des établissements, qu'une part croissante du temps du bibliothécaire est consacrée aux activités pédagogiques. Cette augmentation se fait au détriment des tâches pourtant indispensables de mise en valeur du fonds documentaire.



Le documentaliste doit-il être le seul à assumer l'initiation à la recherche documentaire dans l'établissement ?
Ne devrait-il pas y avoir des relais dans l'équipe pédagogique ?
La recherche documentaire est une compétence transversale : elle doit s'enseigner à travers plusieurs dispositifs pédagogiques différents.


Les réalisations de Dedale dans ce domaine


2/ La pratique réflexive dans la formation infirmière et le rôle du documentaliste

Les études d'infirmières sont une formation professionnalisante qui se caractérise par l'alternance de cours théoriques et de mises en situation sous forme de stages. L'étudiant infirmier est donc régulièrement confronté à un hiatus entre la théorie transmise par les enseignants et ce qu'il découvre sur le terrain.


Source : cfr. référence 4.


Cet écart entre théorie et pratique suscite chez l'étudiant un questionnement en 3 étapes :

1.

Analyse de sa pratique : l'étudiant met en œuvre des pratiques en fonction des compétences à acquérir : qu'est-ce-que je dois faire et au nom de quelles valeurs ?

 

Raphaël, étudiant infirmier, respecte scrupuleusement la procédure apprise au cours pour la préparation de la peau avant l'insertion d'un cathéter intraveineux et lors de la réfection des pansements. Il est conscient du rôle de l'infirmier dans la diminution du taux d'infections liées aux cathéters intravasculaires. La procédure, enseignée à l'école et en vigueur dans l'hôpital qui accueille la majorité des stagiaires, prévoit d'utiliser un antiseptique à base de Chlorhexidine 0,5% en solution alcoolique pour la désinfection de la peau. Raphaël se sent d'autant plus concerné qu'il se destine aux soins intensifs où les cathéters intravasculaires sont utilisés le plus fréquemment(5) .

2.

Confrontation de la pratique avec la théorie : le choc de la réalité : l'étudiant découvre dans chaque institution des pratiques et du matériel différent. Il y a un écart entre ce qu'il a voulu mettre en œuvre et ce qui s'est passé ou ce qu'il a observé sur le terrain.

 

Lors d'un stage dans un autre établissement, Raphaël a l'occasion d'utiliser une autre solution antiseptique, à base d'iode pour les soins de cathéters intravasculaires. Face à son étonnement, le personnel infirmier lui précise que "c'est la procédure à suivre dans cet hôpital" mais sans pouvoir argumenter les raisons de ce choix.

3.

Auto-évaluation : retour sur lui-même de l'étudiant qui s'interroge à partir du choc de la confrontation avec la réalité. Il doit se faire sa propre opinion en exploitant des ressources personnelles et des ressources documentaires.

 

Cette différence de pratique a suscité un questionnement chez Raphaël. Il veut découvrir si des études scientifiques ont permis de mettre en évidence une différence d'efficacité entre l'utilisation d'une solution de Chlorhexidine alcoolique 0,5% et une solution de povidone iodée 10% pour les soins de cathéters intravasculaires. Ayant toujours suivi la procédure et utilisé le premier produit, il ne s'est jamais posé la question de savoir s'il y avait d'autres antiseptiques possibles avec une efficacité égale voire supérieure.

 

L'étudiant arrive à la bibliothèque avec un bagage transmis par les enseignants mais bousculé par son expérience de stage. Il ne sait plus à quel saint se vouer. Il cherche à répondre à la question : que préconise-t-on dans la littérature ? (accès à l'Evidence-based).

 

En interrogeant la base de données bibliographiques internationale Medline via le portail Pubmed, Raphaël identifie plusieurs études de niveau de preuve 1 dont une méta-analyse (6) qui conclut que les préparations de Chlorehexidine (sans préciser laquelle toutefois) permettent de diminuer de 49% le taux d'infection lié aux cathéters intravasculaires par rapport à l'utilisation de la povidone iodée à 10%.
Même si cette conclusion peut être nuancée (comparaison à la gamme de Chlorehexidine mais pas à un produit en particulier), Raphaël peut désormais argumenter le choix de l'antiseptique qu'il utilisera. Au travers de cette recherche, il a pris conscience que les infirmiers ne sont pas des exécutants mais peuvent lever une zone d'ombre sur un soin, une technique, une situation clinique en consultant la littérature.

Lors de l'accueil en bibliothèque, le dialogue du documentaliste avec l'étudiant prend souvent la forme d'une guidance individuelle : il accompagne l'étudiant et l'aide à préciser sa question de recherche. Dans un premier temps, la demande de l'étudiant est très brute. Elle est liée à une situation de stage précise. Il faut l'aider à décomposer la question en concepts et traduire ceux-ci en mots clés issus des langages documentaires. Travail de reformulation de la question documentaire pour faire émerger les mots clés.

 

Claire, une étudiante en stage dans un service de Maladies infectieuses se questionne quant au respect de la vie privée du patient atteint de maladie sexuellement transmissible, lorsqu'il s'agit d'informer le partenaire. Le médecin doit-il avertir lui-même les contacts du patient ou peut-il faire confiance au patient pour transmettre cette information ? Doit-il prendre contact avec le médecin du partenaire ? Quels sont les usages ? Que dit la loi ?
Claire ne voit pas quelle approche adopter pour explorer la littérature sur ce thème. Une discussion avec le documentaliste la mettra sur la voie du secret professionnel. Un outil de terminologie, comme le thésaurus MeSH, guidera en outre Claire vers le concept associé de l' Obligation de mise en garde définie comme "l'obligation pour le professionnel de santé de manquer au devoir de confidentialité envers le patient pour avertir les tiers d'un danger les menaçant ou de la transmission possible d'une infection grave".
Avec ce concept, Claire tient maintenant une clé d'accès à la littérature scientifique.

Le documentaliste doit aussi souvent inviter l'étudiant à sortir du cadre strict de sa recherche et l'aider à transposer un concept d'un domaine à un autre.

 

Marie a décidé de traiter de l'usage du Snœzelen en gériatrie mais ne trouve pas de documents récents sur l'application de cette technique auprès des personnes âgées hospitalisées. Le documentaliste lui conseille alors de se documenter à partir de sources plus anciennes, quand cette technique s'adressait uniquement aux enfants handicapés.

De son côté, l'enseignant doit aussi faire preuve de réflexivité au travers des directives qu'il donne à son travail. On voit souvent des étudiants piégés par des injonctions chronologiques très strictes.

 

Marie vient revoir le documentaliste : son professeur refuse que la bibliographie de son travail sur le snœzelen comporte des sources publiées il y a plus de cinq ans. Tout document antérieur à cette date est considéré comme dépassé !

L'étudiante est piégée par ces consignes trop strictes. Le documentaliste est mis en porte-à-faux quand les exigences de l'enseignant ne rencontrent pas la réalité documentaire. Dans le cas présent, on trouve peu de publications de moins de 5 ans sur le snœzelen (7).
Le critère chronologique appliqué sans nuance ne dispense-t-il pas l'étudiant d'exercer son esprit critique pour évaluer ce qui reste d'actualité dans un document, par recoupement avec d'autres sources ? Comment alors encore faire appel à son discernement quant à la validité des informations contenues dans le document ?
Les directives données par les enseignants sont parfois mal interprétées ou prises trop à la lettre par les étudiants. Un échange d'information préalable quant aux directives d'un travail permettrait au documentaliste de savoir ce qui est attendu par le professeur et donnerait à celui-ci un aperçu des ressources locales sur le sujet du travail.


A travers ces quelques exemples, nous avons voulu montrer que le documentaliste, par le dialogue quotidien avec les usagers, encourage une posture réflexive chez l'étudiant.
On peut définir la réflexivité comme la capacité de tirer profit de situations pratiques pour réfléchir. Il s'agit d'une réflexion dans l'action (comment intégrer la théorie dans les actes) et sur l'action (réfléchir après coup sur ce qui s'est passé). Cette réflexion s'appuie sur des recherches documentaires. Elle s'inscrit dans un enseignement où l'étudiant est actif : le professeur est un coach qui ne se limite pas à transmettre des savoirs.

3/ Quelle synergie documentaliste-enseignant ?

Quelle représentation se font les enseignants de la fonction du documentaliste dans nos écoles ?
Notre pratique quotidienne nous permet de confirmer l'analyse de Mariaux et Talois (8), qui distinguent trois types d'enseignants en fonction de leur attitude lorsqu'ils ont recours au centre de documentation.



La représentation que se fait l'enseignant de la fonction du documentaliste aura une influence sur l'efficacité des formations à la recherche documentaire organisées en bibliothèque :

Vision consumériste : "Dans ce type de vision, le documentaliste voit arriver des étudiants pour un travail de groupe sans même en avoir été avisé par le formateur. Il se trouve face aux étudiants sans avoir pu, au préalable, travailler sur le sujet de recherche. Le manque de communication provoque un dysfonctionnement dont les étudiants vont pâtir, et met le documentaliste en situation délicate." Mariaux et Talois (8)
Il n'y a pas de concertation entre l'enseignant et le documentaliste, la séance de travail en bibliothèque étant considérée comme une activité de remplacement.

Vision utilitaire interactive : l'enseignant informe le documentaliste de l'objectif, du thème et du planning de la séquence de formation. Il s'enquiert de savoir si les ressources dont les étudiants auront besoin ce jour-là sont présentes en rayon. Il propose des nouvelles acquisitions pour combler les lacunes sur le sujet. Le bibliothécaire a la possibilité de préparer la rencontre avec les étudiants et se sent partenaire du projet.

Vision collaboratrice : le documentaliste collabore directement à la conception et à l'évaluation de la séquence de formation à la recherche documentaire.
"Le documentaliste accompagne les étudiants, évalue leurs difficultés et leurs progrès, et transmet ses constats aux formateurs . (…) Dans ce sens, la recherche au CDI n'est plus utilisée comme une activité de remplacement mais devient un apprentissage réel." Mariaux et Talois (8)
Le documentaliste est reconnu et intégré dans l'équipe pédagogique comme un partenaire au service de la recherche et de la construction de la formation.

4/ Nos souhaits pour l'avenir

En écrivant cet article, notre objectif était de mettre en évidence le rôle spécifique que peut jouer le documentaliste au sein des instituts d'enseignement en soins infirmiers (Hautes Ecoles).

Nous avons souligné que la formation en soins infirmiers est une formation professionnalisante : elle prépare les étudiants à exercer la profession qui en est la finalité
Cette formation se caractérise par une alternance de cours théoriques et de stages en milieu professionnel... Cependant, il n'est pas rare de constater un écart entre ce que qui est enseigné durant les cours et ce que l'étudiant découvre sur le terrain.

Depuis plusieurs années, l'organisation de la formation autour d'un référentiel de compétences nécessite une remise en question des pratiques d'enseignement. Plutôt que de se centrer principalement sur la transmission des savoirs, l'approche par compétence privilégie la construction des savoirs et se centre sur la démarche d'apprentissage de l'étudiant.

Par ailleurs, la croissance exponentielle des savoirs et l'évolution des technologies de l'information obligent les praticiens (soignants comme enseignants) à actualiser sans cesse leurs connaissances.

Dans ce contexte, l'apprentissage de la démarche de recherche documentaire prend tout son sens.
Il s'agit davantage d'une compétence transversale, faisant appel autant à des capacités intellectuelles que techniques, qui doit s'acquérir grâce à des dispositifs variés d'enseignement (travaux, rapports, TFE…).

La recherche documentaire est plus qu'une simple recherche d'information sur un thème particulier. C'est avant tout un comportement et un ensemble de stratégies qui demandent une réelle préparation et de la réflexion.
Le documentaliste accompagne le questionnement du futur soignant, par une approche réflexive, en aidant l'étudiant à formuler sa question de recherche documentaire, suscitée par une situation vécue dans sa pratique.

Il est donc impératif de développer des synergies avec les enseignants afin d'inscrire la formation à la recherche documentaire dans un projet pédagogique qui prenne en compte le besoin d'information des étudiants et qui lui donne du sens. Il nous semble urgent de créer avec les enseignants des dynamiques d'échanges centrées sur la manière dont ceux-ci accompagnent leurs étudiants dans l'apprentissage de ces comportements et stratégies. C'est pourquoi il nous semble essentiel que les formations s'adressent en priorité à tous les enseignants afin qu'ils puissent aider les étudiants à acquérir cette compétence à travers les différents cours, travaux et stages.

Nous constatons que le documentaliste est souvent isolé dans l'institution où il travaille ; son travail et ses compétences ne sont pas suffisamment reconnus à leur juste valeur. De plus, il n'est pas toujours tenu au courant des changements et des évolutions pédagogiques, Il nous semble nécessaire d'initier un double mouvement d'ouverture : des enseignants vers les documentalistes et vice-versa et des professionnels de la documentation scolaire entre eux (9).

Tout ceci implique de reconnaître la place essentielle du centre de documentation dans le programme de formation et le statut du documentaliste comme acteur pédagogique. Il conviendrait de le formaliser dans la politique de chaque institut et dans les textes législatifs.



Nous conclurons donc en émettant quelques souhaits à l'adresse des directions d'écoles et des responsables politiques :

  1. Qu'ils reconnaissent les bibliothèques en Haute Ecole comme outil pédagogique
  2. Que soit formalisée une politique documentaire au sein des Hautes Ecoles, inscrivant la formation à la recherche documentaire dans le projet pédagogique et dans le programme des études.
  3. Que soit encouragé le partenariat documentalistes/enseignants pour favoriser l'acquisition des compétences documentaires
  4. Que le statut du documentaliste fasse l'objet d'une reconnaissance dans l'enseignement supérieur.



Si vous avez été intéressé par la lecture de cet article, voici quelques questions pour prolonger la réflexion :

 
  • Dans quelles situations les enseignants ont-il recours à la bibliothèque ?
  • Quelle représentation se font les enseignants de la fonction du documentaliste ?
  • L'acquisition de compétences documentaires est-elle prioritaire dans la formation infirmière ?
  • Quels dispositifs pédagogiques existent actuellement ou pourraient être créés ?
 


Nous serions intéressés de connaître votre avis et vos expériences éventuelles sur le sujet.
Ecrivez-nous un courriel à l'adresse dedale@dedaledocsante.be.



  Pour l'Association DEDALEDOCSANTE,

Alix Fierens, infirmière enseignante et documentaliste,
Haute Ecole Léonard de Vinci, ISEI, Bruxelles

Aurore Georges, documentaliste
Haute Ecole de Namur-Liège-Luxembourg, Dépt. Paramédical Ste. Elisabeth, Namur

Michel Ronsse, documentaliste
Haute Ecole Francisco Ferrer, Catégorie paramédicale, site Brugmann, Bruxelles

Pierre Seillier, documentaliste
Haute Ecole Libre de Bruxelles Ilya Prigogine, Catégorie paramédicale, Campus Erasme

Sabine Stranard, documentaliste
Haute Ecole Louvain en Hainaut, IESCA, Gilly

Gilly, le 8 janvier 2013.
dernière mise à jour : 25/3/2013.

Notes, références et annexes

1. Les noms de catégories de personnes sont écrits au masculin mais s'entendent dans les deux genres : le /la bibliothécaire/documentaliste, le/la formateur/rice, l'étudiant/e,... retour au texte
2. Notre réflexion se fonde sur notre expérience en école d'infirmières et sage-femmes mais elle peut s'étendre aux autres professions paramédicales. retour au texte
3. CHAUMIER J. Travail et méthodes du documentaliste : pour un exploitation méthodique et optimale de l'information. 7ème. édition. Issy-les-Moulineaux : ESF Editeur, 2007. p. 22. retour au texte
4. Adaptation libre du diaporama power-point de la 3ème Journée romande sur La clinique infirmière : apprentissages cliniques, processus et pérennité - Neuchatel 17 avril 2008. retour au texte
5. VANNIEUWENHUYZE R. Quelle solution antiseptique utiliser dans le soin d'un cathéter intraveineux aux soins intensifs : la solution de Chlorhexidine alcoolique 0,5 % ou la solution de povidone iodée dermique 10 %, Travail de fin d'études réalisé en vue de l'obtention du diplôme d'Infirmier spécialisé en soins intensifs et aide médicale urgente. Bruxelles : HELB I. Prigogine, 2012. 21 p. + annexes.retour au texte
6. CHAIYAKUNAPRUK N. et al. Chlorhexidine compared with povidone-iodine solution for vascular catheter-site care : A meta-analysis. In : Annals of Internal Medicine [en ligne], vol. 136, num. 11, 4 June 2002, p. 792-801. Disponible sur : http://annals.org/article.aspx?articleid=715314 (consulté le 8 janvier 2013). retour au texte
7. Depuis cet exemple vécu en 2011, signalons que deux ouvrages importants sont parus sur le sujet. retour au texte
8. MARIAUX Y. et TALOIS X. Au service des étudiants, la relation formateur/documentaliste, In : Soins cadres, num. 59, août 2006, p. 80-81. Disponible en ligne sur le site du Réseau National des Documentalistes Hospitaliers (RNDH) URL : http://www.rndh.fr/IMG/pdf/2006_59.pdf (consulté le 8 janvier 2013) retour au texte.
9. C'est le rôle que veut jouer l'association Dedaledocsanté. retour au texte


Annexes

1. Programme de la journée FINE du 24 mars 2011 "Réflexivité et formation".
2. Illustrations au format Powerpoint